Pour conclure cette interview, Margaux parle des créateurs qu’elle affectionne et des concessions nécessaires pour travailler dans ce milieu compétitif.
Pourriez-vous citer vos 3 créateurs de référence?
Denise Reytan, Shourouk, Polly Wales, Nak Amstrong, Ruth Tomlinson + tous les créateurs pour qui j’ai eu la chance de travailler et tellement d’autres !
Avez-vous également des artistes de référence (peu importe le domaine, art, musique, cinéma…) ?
Yves Klein, Louise Bourgeois, Chiharu Shiota, Kate MccGwire…
Avez-vous des bijoux fétiches? Quelle est leur histoire?
Certains bijoux qui m’ont été donné par mes proches. Un jonc en argent avec deux petits cabochons de turquoise. Acheté au Mexique, il ne quitte pas mon poignet depuis que j’ai 15 ans.
Une chaîne délicate achetée chez Valérie Danenberg, une créatrice et antiquaire chez qui j’ai travaillé, sur laquelle j’ai empilé des pendentifs et petits grigris personnels.
Une fine bague en or jaune avec une opale et un petit diamant, achetée avec de l’argent que mon grand père paternel m’avait donné pour mes 20 ans. Elle a été créée et fabriquée par Flavie Furst, une des premières créatrices pour qui j’ai travaillé. Je la porte avec une autre petite bague sertie d’opales achetée dans le grand bazar à Istanbul, et une autre bague que j’ai fabriqué à partir d’un petit bout d’or issu d’un bracelet qui appartenait à ma mère.
Une des premières bagues et une paire de boucles d’oreilles que j’ai créé lorsque j’étais à l’école à Londres et qui sont les premières pièces dans la lignée de celles que je commercialise maintenant.
Quelles sont les 2 principales qualités d’un bon créateur de bijoux, à vos yeux?
Un style reconnaissable entre mille, une communication ciblée et bien menée.
Que conseilleriez-vous à un créateur novice?
Patience, persévérance et passion.
Avancer, et se lancer, ne pas avoir peur de travailler beaucoup ni de l’échec. Rien n’est jamais parfait, on n’est jamais vraiment prêt. Quand on travaille sur une pièce ou un projet de manière intense on en oublie souvent que d’autres viendront, que tout est voué à s’améliorer, que ce qui paraît d’une importance capitale sur le moment pourra paraître dérisoire quelques jours, semaines, mois ou années plus tard. Se remettre en question mais ne pas trop douter. Enfin s’avoir s’entourer et apprendre à déléguer, on ne peut pas être bon partout et on ne peut pas toujours tout contrôler.
Le bijou que vous auriez voulu créer à la place d’un autre créateur?
Les bagues de Polly Wales. Les pierres sur ses bijoux ne sont pas serties dans le métal de manière traditionnelle. Elle insère les pierres directement dans la cire et fait ensuite fondre le métal. Les pierres sont capturées dans le métal en fusion. Ses pièces ont un aspect brut, organique et très doux à la fois. Moi qui ai toujours été attirée par les rapports création/destruction je trouve ce procédé fascinant.
Être créateur de bijoux aujourd’hui, en quoi est-ce un défi?
C’est un défi car être créateur de bijoux (lorsque l’on s’établit à son compte, ou que l’on souhaite monter sa marque) ne se limite plus à juste « créer des bijoux ». A moins d’avoir un capital de départ suffisant pour déléguer toutes les autres tâches inhérentes à la création d’une marque et d’une entreprise, il faut avoir le courage d’assumer de multiples casquettes : communication, gestion, création de site web, logistique, direction artistique, photographie, design, fabrication, etc… et à la fin de la journée « créer des bijoux » ne représente qu’une part infime de tout ce que vous avez accompli.
C’est aussi un défi car à l’heure d’internet et des réseaux sociaux et dans ce monde où tout s’accélère on s’imagine pouvoir rencontrer le succès de manière immédiate alors que construire une clientèle, asseoir la notoriété d’une marque demande du temps. Beaucoup de travail et du temps.
De même que ces nouveaux outils sont extraordinaires car ils offrent une chance d’être visible et des plateformes de vente qui n’existaient pas il y a encore 10-15 ans de ça. Mais la concurrence s’est accrue et il est de plus en plus dur de sortir du lot. Combien de créateurs de bijoux sur Instagram ? Ces outils ont permis à tous de pouvoir se réinventer et de s’improviser créateurs/designers. Le fait d’avoir été formé en bijouterie, d’avoir acquis des compétences techniques ou artistiques, ne garantit plus le succès. Une communication et un business bien mené l’emporteront maintenant souvent sur un beau produit original et bien fabriqué mais mal présenté.
Qu’est ce qui est le plus difficile dans votre métier?
Sortir du lot, se faire remarquer, construire une clientèle fidèle, finir par arriver à en vivre. Ne pas s’impatienter. Mais aussi devoir porter un projet seule, trouver l’énergie et la motivation de travailler et d’avancer sur des choses qui ne font pas toujours partie de mes domaines de compétence. Le soutien et l’aide de mes proches sont très importants.
Et le plus gratifiant?
Voir ses créations portées et chéries par d’autres. Avoir des retours positifs sur mon travail. Et surtout avoir la chance de faire ce que j’aime, de continuer à apprendre, même si ce n’est pas facile tous les jours.
Quels sont vos projets?
Continuer à alimenter le site de WWAN(1) avec le reste des pièces de la collection de lancement. Continuer à produire de beaux visuels en collaboration avec ÄPLÄ Studio. Démarcher de nouvelles boutiques prêtes à prendre des pièces WWAN(1) en stock. Avancer sur une collection capsule à lancer cet hiver. Être plus présente sur les réseaux sociaux. NE RIEN LÂCHER !
Quel créateur souhaiteriez-vous voir prochainement dans L’Envers du Décor ?
Un de ceux cités dans les questions précédentes. Sinon, Phylicia Gilijamse, Marina Stanimirovic, Inderjeet Sandhu, Sofie Boons, Hollie Paxton, Niomo, Kia Utzon Frank, Kuntee Sirikai, et mes autres compagnons du Royal College of Art, tous aussi talentueux les uns que les autres.
Merci Margaux!
Pour retrouver Margaux :
Website : wwan1.com
Facebook : WWAN1.STUDIO
Instagram : @wwan.1
Photos : © ÄPLÄ Studio. Photographies fournies par Margaux Clavel et publiées avec son autorisation.