Derrière le créateur, il y a le passionné de bijouterie contemporaine et l’observateur des futures générations de créateurs. Voici plus de détails sur les goûts et l’opinion de Rachik sur ce métier.
Peux-tu citer 3 créateurs de référence?
Au départ, j’aimais beaucoup l’esprit Dinh Van, ça sortait de l’ordinaire. Après, rétrospectivement, ça s’est arrêté dans le temps, ça ne s’est pas beaucoup développé. Ensuite, il y a beaucoup de références et très peu à définir en même temps, je vois des anciennes élèves qui aujourd’hui font des choses merveilleuses. Galatée Pestre, par exemple, qui fait des choses assez ludiques, très simples, inspirées du « bijou contemporain ». Il y a également une autre ancienne élève, Solmaz Panahi, créatrice et designer iranienne, pour qui j’ai réalisé des maquettes et dont j’aime beaucoup le travail inspiré par ses origines… Je pense aussi à Rosely Finster-Sacramento, une amoureuse des matières et du bijou, qui fait passer beaucoup de sensibilité dans son travail.
Ce sont des gens dont le travail m’intéresse, ils ont une spécificité dont je suis éloigné finalement. J’aime également le travail de Tobias Wistisen. Ce sont des bijoux assez racés qui ont beaucoup de matière en surface. J’ai fréquenté des enseignants de bijouterie contemporaine à l’Afedap qui sont eux-mêmes bijoutiers comme Brune Boyer et Sophie Hanagarth par exemple, qui font un très beau travail. Il y a aussi des références plus contemporaines ou des installations mais c’est encore un autre univers. Ce sont des références très différentes, il pourrait y en avoir beaucoup d’autres si je me creusais la tête pour m’en souvenir mais un créateur en particulier, non, je ne suis pas un fanatique d’un créateur.
As-tu d’autres créateurs, dans d’autres domaines, qui t’inspirent?
Je suis assez éclectique dans la musique comme dans l’art, j’aime ce qui me procure une sensation, je ne peux pas m’arrêter à un courant ou à un artiste. Cependant, les vanités m’intéressent beaucoup, même si c’est un peu redondant de reparler de la tête de mort, ça reste une symbolique qui, pour moi, est très éloignée car ce n’est pas ma culture à la base. Les mexicains vont voir ça de la plus belle des manières par contre, en Tunisie, ce n’est pas vraiment le cas. C’est plutôt sombre, ça représente vraiment la mort. On lui donne un côté morbide et négatif alors que c’est également une esthétique. Si on détaille les os, il y a beaucoup de formes géométriques, de jeu avec la lumière, etc. C’est l’esthétique qui m’intéresse au-delà de la symbolique. je ne suis pas croyant plus que ça mais une belle croix ciselée, bien travaillée ou une belle croix très baroque, ça fait son effet.
© Aline Princet
As-tu des bijoux fétiches?
Pas particulièrement, il y a des bijoux que j’aime beaucoup mais que je ne porte pas bizarrement. Par contre, ce qui m’intéresse, c’est l’association, la question de l’équilibre. Quand quelqu’un porte un bijou fétiche, c’est parce qu’à un moment donné, ça va lui apporter un équilibre. Sans ce bijou fétiche, il y a quelque chose qui n’est pas complet. L’équilibre, pour moi, est de porter des bijoux qui vont bien ensemble. Le fétichisme que j’attribuerais aux bijoux, c’est de trouver quel bijou s’accompagne avec quel bijou plus que d’être fétiche d’un bijou en particulier. J’en porte beaucoup au quotidien mais en fonction de l’humeur, j’essaie de varier et de trouver cet équilibre. Ça engage dans une réflexion de bien être.
Quelles sont les deux principales qualités d’un créateur de bijoux à tes yeux?
De ne pas chercher à plaire, de ne pas être complaisant avec sa création. Ce qui doit motiver la création, c’est l’énergie du bijou qu’on va créer, ce n’est pas, par exemple, de suivre un phénomène de mode. Il faut se libérer de ça. Je crois que le bijou a besoin que la personne qui le travaille soit une belle personne et parfois, ce n’est pas le cas. C’est parfois décevant et agaçant, je donne de l’importance à la personne qui crée.
© Aline Princet
Que conseillerais-tu à un créateur novice?
D’essayer de se libérer des techniques. On peut avoir appris à faire du bijou et à savoir quels sont les processus de création parce qu’il y en a et certaines personnes ont besoin de s’appuyer sur ce processus mais pour moi c’est comme la musique avec le solfège. Quand on a appris par coeur, il faut oublier ses doigts et son clavier pour passer à autre chose. Il faut donc se libérer des carcans de l’apprentissage. Le bijou, ça peut être trois fois rien comme ça peut être très complexe. Il ne faut pas rester enfermé dans quelque chose. Il faut faire ce dont on a envie en étant attentif à ce qui plaît, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Ça demande des sacrifices mais si on peut arriver à faire autrement, évidemment, il faut réussir à préserver sa liberté de création. Il faut faire les bons choix en acceptant que certaines choses prendront peut être un peu plus de temps. On peut choisir deux choses, par exemple, j’adore créer et enseigner. À un moment, je me suis posé la question de savoir si je devais faire l’un ou l’autre mais en réalité, les deux sont compatibles. On se laisse un peu manipuler par les bienpensants.
© Aline Princet
Y a-t-il une pièce que tu aurais voulu créer à la place de quelqu’un d’autre?
Il y en a plein! Il y en a trop! On se rend compte qu’il y a beaucoup de gens qui créent mais qui s’enferment dans leur univers en pensant qu’il existe seul mais en fait, il n’existe que parce que d’autres univers existent. On ne s’intéresserait pas aux bijoux si il n’y avait qu’une personne qui en faisait. Il faut se dissocier de ce que font les autres pour mieux apprécier leur travail et leur laisser la liberté d’apprécier son travail.
Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans ton métier?
C’est d’avoir la capacité de se sentir bien en travaillant sans en avoir spécialement conscience et du coup, au moment où on en prend conscience, on se dit qu’on était super bien à faire telle chose. C’est juste être en phase et bien avec ce qu’on fait et quand on a conscience de ça, on se dit que finalement c’est ce qui est important.
Tu es enseignant, que penses-tu de la nouvelle génération de créateurs que tu croises au quotidien?
Je pense que c’est un choix qui n’est pas simple, il est difficile de trouver sa place dans tout ça. Ce qui est difficle aussi, c’est de trouver sa place au niveau du bien être, au niveau commercial, créatif… Ça demande un peu de temps, un peu de maturité, etc. Il faut bien analyser ce qu’il se passe et se poser les bonnes questions pour avancer.
Quel créateur souhaiterais-tu voir dans L’Envers du Décor?
J’ai apprécié de découvrir le travail de Harpo. J’en entendais parler et j’ai pu découvrir des choses.
Pour une prochaine interview, je dirais un artiste qui s’éloigne de ceux que tu présentes déjà, si c’est possible. Plus c’est éloigné, plus c’est intéressant car ça nous emmène dans un univers différent…. Je prendrais pour exemple Eric de Gésincourt qui utilise des matériaux très divers et notamment thermoformables.
© Aline Princet
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Photos : © Rachik Soussi sauf mention © Aline Princet . Photographies fournies par Rachik Soussi et publiées avec son autorisation.