J’ai découvert le travail d’Emmanuelle Duval sous le nom d’EMA lors d’un événement, à Nantes, intitulé « L’Art est aux Nefs». J’ai tout de suite été très attirée par la finesse et la précision de ses pièces, principalement en papier. Cette pratique n’est pas l’activité professionnelle principale d’Emmanuelle, c’est une passion et elle fait partie de sa vie coûte que coûte. Depuis un peu plus de trois ans, EMA expose ses pièces, pour notre plus grand plaisir.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Une nature plutôt fantaisiste, imaginative et une envie d’exotisme me permettent de ruser avec la réalité parfois trop épaisse. Regarder les choses de travers, à l’envers, leur donner une interprétation nouvelle est un jeu auquel je m’exerce depuis longtemps faisant ainsi des actes et situations quotidiennes de véritables matières inspirantes et singulières.
© O. Leprovost
Comment définiriez-vous votre univers?
Un univers abstrait et contemporain ancré dans un imaginaire pourtant familier : une réminiscence de voyages, un objet aimé et rafistolé, un déjà vu confondant. En effet, à bien y regarder, on pourrait s’y méprendre et y voir quelques objets utilitaires ou de cultes venus d’ailleurs, mais ces créations si bavardes soient-elles n’ont aucun usage précis. C’est juste une interprétation, une mise en volume d’intuitions. C’est aussi un évitement de certaines formes trop évidentes pour échapper au sens que nous aimerions leur donner afin de laisser l’esprit troublé. Je préfère être dans l’évocation plûtot que la représentation, cela laisse davantage de mystère et de possibilités.
D’où vient votre nom « EMA »?
Tout simplement d’un raccourci de mon prénom «Emmanuelle».
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Quand et comment avez-vous décidé de lancer cette activité?
Ce n’est ni mon activité rémunératrice principale, ni une activité de loisir, ça fait partie de mon quotidien simplement depuis très longtemps. Par contre, depuis 3 ans seulement, je montre mon travail.
© B. Cneude
Pouvez-vous récapituler votre parcours?
J’ai fait une licence en espagnol et j’ai étudié deux ans aux Beaux-arts. J’ai également fait l’AFPA métallerie car ce matériau m’intéresse. Enfin, j’ai également suivi une formation en PAO ce qui m’a permis de devenir infographiste en free-lance et par conséquent d’organiser mon temps au mieux entre cette activitО et ma pratique artistique. Concernant ma pratique artistique, j’ai longtemps peint avant de commencer à faire des pièces que je pouvais emmener partout comme la broderie, etc. J’aime utiliser des matériaux assez simples et légers.
Quand avez-vous créé votre première pièce et qu’est-ce que c’était?
Difficile de dater ma première pièce tant le flux de travail derrière moi remonte à longtemps. Peut-être je peux partir de l’idée que cette pièce serait l’élément le plus légitime et déclencheur de ce que je continue à faire en ce moment. «Trafic», est une installation réalisée il y a trois ans en collaboration avec Olivier Ragaux pour la mise en mouvement. Montrée pour la première fois à Nantes dans les vitrines de la créatrice Mel de Margo, elle a ensuite voyagé dans divers endroits (Galerie Albane et Lunettes ETC… à Nantes), à Paris aussi chez le joallier Jonas Bowman. Par un système de poulies, des modules composés de papiers pliés et cousus déambulent verticalement laisssant libre cours à l’imagination des passants. Certains y verront une machine à tisser quand d’autres y aimeraient y entendre du son.
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Comment fonctionne votre processus de création?
Un processus empirique à tâtons qui n’a souvent rien à voir avec une espèce de révélation et qui s’inscrit dans le temps et dans l’expérimentation. C’est une étape nécessaire qui va permettre de mieux appréhender la propre exigence du matériau : comment faire pour se jouer de ses contraintes ou au contraire en tirer parti au mieux ?
Je n’ai que très rarement une idée précise d’une installation, elle se crée dans «le faire», dans un mouvement et dans un esprit que je qualifierais de «nomade». Nomade, dans le sens où à chaque avancement, une contrainte, un heureux hasard, peut faire en sorte que la pièce évolue vers une direction tout autre ; je l’accepte et/ou parfois trouve un compromis, cela me permet également de garder une certaine spontanéité et souplesse dans mon travail. D’une manière générale, du détail va emmerger une idée plus globale et pas le contraire. Mes idées se retrouvent ainsi souvent matérialisées sous forme de petits assemblages, un long et méticuleux bricolage que je cloue au mur de la même manière que l’on griffonne des mots sur une nappe.C’est un peu comme une éruption.
© O. Leprovost
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D’où vient votre inspiration?
Je la puise dans toutes ces attentions que je porte aux actes quotidiens et dans mon aptitude au détournement et à l’étonnement. Une inspiration qui répond à une urgence de s’extraire d’une réalité parfois trop raisonnable. Attirée par la beauté des choses triviales, je m’attarde sur un balai en plastique, un tapis mis sur l’envers, sur les pansements que l’on inflige aux objets brisés pour les rassembler (scotch, béquille de bois, étais…) et sur toutes ces installations urbaines provisoires (un mur bâché, un panneau publicitaire sans image qui ne laissent place qu’aux néons, des emballages rafistolés…). Des univers inspirants à la fois par ce qu’ils montrent mais aussi par les matériaux usités et/ou assemblages choisis.
Pour lire la suite : EMA – 2/3 Savoir-faire
© B. Cneude
Photos : © EMA sauf mentions suivantes : © B. Cneude et © O. Leprevost . Photographies fournies par Emmanuelle Duval et publiées avec son autorisation.
